Le concept de marque employeur1, apparu au début des années 90, est en plein essor auprès d’entreprises qui le déploient pour attirer de nouveaux talents. Les techniques d’interaction et de collaboration du web 2.0 appliquées au marketing RH contribuent à construire et à renforcer la réputation de l’entreprise, de plus en plus connectée à ses collaborateurs en devenir ou déjà en place.
Alors que la fonction de Community Management prend gentiment sa place au sein des directions du marketing et de la communication, la voilà qui commence à se frayer un chemin au sein des directions des ressources humaines.
L’association des deux termes « marque » et « employeur » évoque les techniques marketing de positionnement de la marque et de construction de la réputation de l’entreprise en tant qu’employeur. Encore faut-il que la promesse de la marque soit effectivement vécue par le candidat une fois embauché.
L’avènement du web 2.0 dans ses dimensions dynamiques, sociales et désormais mobiles a fondé le terreau propice à une transparence sur le fonctionnement des entreprises et à la visibilité des compétences techniques et sociales des candidats. Tout est devenu une question d’e-réputation et de marketing de soi sur le web. Cet environnement de nouvelle transparence ne permet-il pas de mieux évaluer et d’ouvrir des opportunités de séduction mutuelle avant tout engagement ? Ne présente-t-il pas aussi un risque pour qui ne sait pas communiquer en toute authenticité ?
En recherche d’informations2, 87% des candidats « googelisent » le nom des entreprises et évaluent leur réputation via leur site web et leur présence sur les réseaux sociaux avant de postuler. 35% des candidats utilisent les réseaux sociaux pour rechercher des annonces de postes même si les job boards sont encore consultés par 96% des candidats. 58% ont déjà abandonné l’idée de postuler à une offre d’emploi suite aux informations trouvées en ligne sur l’entreprise.
Côté employeur, les conseillers RH tentent de relever le double défi de gérer leur temps efficacement et de recruter des personnes de qualité. En Suisse4, 33% des entreprises sont affectées par une pénurie de talents sur une dizaine de professions difficiles à pourvoir.
Internet offre un cadre participatif dans lequel les entreprises peuvent décider de recruter de façon originale, par exemple via des Challenges ou des web séries. Les entreprises peuvent aussi lever le voile sur des moments de vie de leurs collaborateurs par la publication de témoignages métiers, des coulisses de sites, des images de séances de travail et des opportunités d’entrer en contact avec des personnes en poste.
La présence active des employeurs sur les réseaux sociaux, avec des contenus pertinents et originaux, constitue un critère d’attractivité certain pour les candidats. Viennent d’abord les sites dédiés ou les pages carrières, puis la présence de la marque sur des réseaux sociaux tels que LinkedIn, Facebook, Twitter et de plus en plus Instagram pour toucher des populations plus jeunes.
La rétention des talents est un deuxième défi que relève la marque employeur en déployant des listes de conditions d’emploi avantageuses et de nouvelles pratiques d’organisation, comme le télétravail. Une autre manière de rallier les collaborateurs autour d’une culture d’appartenance et d’attachement à la marque consiste à internaliser les bonnes pratiques collaboratives du web pour créer une ou plusieurs communautés d’intérêts au sein même de l’entreprise. Les actions concrètes que met en œuvre l’entreprise en matière de responsabilité sociale et environnementale y contribuent également.
Des exemples suisses
Même si la marque employeur n’en est qu’à ses débuts en Suisse, les initiatives se déploient lentement mais sûrement. IKEA Suisse met en avant l’importance des valeurs humaines au travail et propose un test d’affinité en ligne. À partir de la section Offres d’emploi de son site web, Axa Winterthur oriente le candidat vers ses multiples réseaux sociaux, notamment Facebook et LinkedIn, pour y découvrir des actualités et des interviews.
Michel et Augustin, marque alimentaire française innovante et décalée, a créé sur son site web le parcours du futur candidat pâtissier en huit étapes techniques ; il propose aussi un musée des CV. Dooldy met en scène les entreprises suisses, en répondant à la question « Comment se faire une idée d’une entreprise qui recrute sans la connaître? » Dernier né en Suisse, Johdi promeut la marque employeur et les annonces de postes associés. Enfin, avez-vous entendu parler de Glassdoor et de son équivalent allemand Kununu ? Voici des plateformes de notation des employeurs par leurs propres employés (de façon anonyme). Tout candidat peut consulter les évaluations et déposer un commentaire.
Le rôle du Community Management
Jusqu’à présent, les gestionnaires de communautés en ligne officiaient plutôt dans les services de marketing et de communication. Or la mise en œuvre d’une stratégie de marque employeur « Human to human » nécessite une collaboration entre la communication et les RH, pour coordonner les publications sur les réseaux sociaux de l’entreprise.
La gestion de la marque employeur oblige les marques à développer les compétences en Community Management des conseillers RH dédiés au recrutement via Internet. En effet, à la boîte à outils du recrutement s’ajoute celle du Community Manager qui se doit de maîtriser les techniques de veille d’information, voire de monitoring, de création de contenus et de publications tout en servant de modérateur pour les échanges et commentaires des internautes. Le Community Manager RH est à la fois le répondant, le créateur et le modérateur de sa communauté de recrues potentielles en ligne ou en IRL (cf. forums de recrutement en écoles).
Dorothée Roessinger, responsable du recrutement suisse et du Community Management RH chez Losinger Marazzi, acteur reconnu sur le marché de la construction, témoigne de son quotidien trépidant de « geek » RH. Le développement de la marque employeur chez Losinger Marazzi a débuté il y a 4 ans suite à une réflexion stratégique. Les résultats ne se font pas attendre : les actions de communication sur la page carrière de Losinger Marazzi et sur les réseaux sociaux et les actions menées auprès des écoles génèrent déjà pas moins de 40% du nombre d’engagements de nouveaux collaborateurs en 2014. L’écosystème digital a été bien pensé dès le début : un site web dédié au recrutement join-us.ch , une page entreprise LinkedIn, une page Facebook, un compte Twitter, le tout en français et en allemand. Dorothée Roessinger s’active une heure dès le matin pour préparer les annonces qu’elle publie en un seul clic sur le site join-us.ch et job boards externes et pour programmer les actualités pertinentes de la profession ou le témoignage d’un collaborateur ou d’un stagiaire sur les réseaux sociaux. Elle brise aussi les réticences culturelles locales en pratiquant une approche directe des talents qu’elle a repérés via LinkedIn Recruiter.
1 Wikipedia Employer Branding.
2 Enquête 2013 RégionsJob : Emploi et réseaux sociaux.
3 Traduction d’un extrait d’interview par Ascent du 16.9.2014.
4 Enquête Manpower 2014 : La pénurie de talents continue.
5 Huffingtonpost : Premier robot patron nommé au conseil d’administration de DKV.
Préparer les conditions
Les compétences en Community Management ont un bel avenir devant elles et les professionnaliser passe par la formation. Ce ne sont pas des robots en intelligence artificielle qui pourront remplacer les spécialistes en communication et en ressources humaines en suivant l’exemple de ce robot qui est devenu récemment membre d’un Conseil d’administration ! Êtes-vous prêt(e)s à relever le défi ?
Edith Page, co-fondatrice Net-Academy